✎ à Brassens par Annie Birkemeier
À Brassens
Pas un jour de la semaine dernière sans que les journaux, les chaînes de radio ou de télévision, tous azimuts, ne célèbrent la mémoire de Georges Brassens qui est né il y a cent ans pour me/nous ravir, et nous a quittés voilà quarante ans déjà. De Sète avec son bateau-musée - le Roquerols -, qui lui est dédié, à Montpellier avec trois mois de célébrations autour de l'artiste, en passant par de multiples manifestations, l’un des plus grands poètes français du XXe siècle est enfin mis à l’honneur. Homme du peuple, anticonformiste et libertaire, il a initié ses contemporains, du plus humble au plus érudit, à la poésie la plus raffinée comme la plus politiquement incorrecte. Souvent désinvolte, jamais vulgaire, affichant avec une coquetterie d’esthète une culture et un vocabulaire impressionnants, tonton Georges - mon Maître - a su ressusciter dans ses poèmes le Moyen Âge, la Renaissance, les classiques et les poètes des plus coruscants aux plus oubliés, du « père » Hugo à l’humble Paul Fort. Villon, Corneille ou Verlaine devinrent grâce à lui nos contemporains. Plus sa langue est (volontairement) surannée, et plus il lui donne ce goût d’exotisme et d’éternité qui en font à jamais le musée vivant de la poésie française. Cornegidouille, jarnicoton et palsembleu, Tonton, je suis orpheline de toi. À l’âge de 5 ans, je pleurais sur le Petit cheval dans le mauvais temps et à 13, je faisais semblant d’écouter Gastibelza avec une copine, alors que c’est P... de toi et La Mauvaise réputation qui nous faisaient goûter délicieusement à la transgression !
Traduit en vingt langues par des brassensologues avertis, idole des Espagnols et des Latinos qui en avaient fait un étendard des libertés qu’ils réclamaient en risquant leur vie dans des manifs que les moins de 40-50 ans ne peuvent pas connaître, de Lima à Tokyo en passant par Moscou, il est considéré comme le plus grand troubadour du XXe siècle. Sujet de pléthoriques doctorats à l’étranger comme en France, il fait partie des auteurs au bac de français dans de nombreux pays.
Lui seul savait donner du relief à ses chansons. Quelle souffrance d’en
entendre d’autres l’abîmer, l’affadir. Un accessit cependant à Paco Ibañez, son
ami :
Un autre à cette délicieuse sylphide surgie du plus profond de l’Amérique,
séduite par la poésie de notre troubadour universel, et qui m’a enchantée par
sa subtilité.
HOMMAGE à BRASSENS (à toi, Tonton Georges)
Quand les zéphyrs nous
font la cour
Et viennent nous parler
d’amour
Anne ma sœur je pense à
toi
Au vent passion, au vent
matois
Qui t’abandonna
fille-mère
D’une tempête follamère.
Le vent d’Autan les
apporta
Le vent d’Autan les balaya…
Su’l’ Pont des Arts de
l’Oncle Georges
Le vent nous a fait
rendre gorge
Le vent sournois, le vent
maraud
Joue avec nous au plus
faraud
Gonfle nos jupes et nos
sarraus
Pour le grand plaisir des
badauds.
Le vent d’Autan les
apporta
Le vent d’Autan les
balaya…
Lorsque le vent devient
dément
Et fait geindre tous nos
gréements
Lors nous pensons à toi
Verlaine
À ta complainte triste et
vaine
À tes joies mortes et à
Rimbaud
Appareillant pour son
tombeau.
Le vent d’Autan les
apporta
Le vent d’Autan les balaya…
Je pense à toi cher
Rutebeuf
À ta solitude de veuf
Quand le vent chasse des
cohortes
D’espoirs déçus, de
lettres mortes
Devant ton huis, devant
ma porte
Ce sont témoins que vent
emporte.
Le vent d’Autan les
apporta
Le vent d’Autan les
balaya…
Et toi Gastibelza, le
fou,
Que vent Tramontane
bafoue
À quoi te sert ta
carabine
Lorsque tu te caches et
fulmines
Chaque fois qu’un
corselet noir
Traverse le Tage le soir.
Autant en emporte l’Autan
Autant en emporte le
Temps !