Café philo du 21 mars 2024 : " Pourquoi faut-il vieillir "
« Mieux penser pour mieux vivre » : le café philo de Royan
Base de réflexion proposée par Danielle Guérin-Rose et Jacques Eskénazi
" Pourquoi faut-il vieillir ? " |
Avant propos
-1- Une remarque préliminaire (...et qui n'engage que moi...): selon la manière dont on le prononce « Pourquoi faut-il vieillir ? » n'a pas tout à fait la même signification.
Sur un ton las et désabusé, la question signifierait que, vieillir, c'est quand même le début d'un certain nombre de maux nouveaux ou inattendus ( quel que soit l'âge d'ailleurs).
Mais sur un mode plus affirmé, la question pourrait signifier que le vieillissement se manifeste par l'expérience, la sagesse, le savoir faire...voire le savoir vivre !
C'est je crois la piste la plus intéressante, et c'est celle que je vous propose de suivre...
-2- D'autre part- honnêteté philosophique oblige- je me suis obligé, pour ne pas dire contraint, à éviter dans mon approche tout ce qui, de près ou de loin, pouvait échapper à la recherche philosophique pure: l'aspect social ou sociologique du vieillissement, la composante santé (morale, intellectuelle et physique), le côté financier....bref tout ce qui pouvait nous détourner dans un première approche d'un contexte purement philosophique. Vous conviendrez avec moi que c'est un thème sociétal, transversal et intemporel que l'on peut aborder de bien des manières.
Je laisse donc à Danielle le soin de démarrer cette session du café philo en évoquant un auteur qu'elle connaît bien: Oscar Wilde et « Le portrait de Dorian Gray » une illustration troublante de l'angoisse du vieillissement que nous pouvons tous avoir et la confirmation de notre déchéance physique inéluctable...
Pour illustrer le thème de notre rencontre d’aujourd’hui sous son aspect littéraire, nous avons choisi avec Jacques un roman irlandais que la plupart d’entre vous connaissent « Le Portrait de Dorian Gray»
Mais il n’est pas le seul à traiter de cette vaste question qu'est la vieillesse.
Depuis que le monde est monde, depuis qu’Adam et Eve ont été chassés du paradis terrestre, donc condamnés à vieillir et à mourir, c’est un sujet d’interrogation créateur d’angoisse et de tourment pour la plupart des hommes. Des philosophes en ont disserté (Jacques vous en parlera tout à l’heure), des romanciers, des chanteurs et des poètes se sont penchés sur le sujet, en commençant par Ronsard et sa célèbre rose: « Donc, si vous m’en croyez, Mignonne, tandis que votre âge fleuronne, cueillez, cueillez votre jeunesse, comme à cette fleur la vieillesse, fera ternir votre beauté », ou encore « Le temps s’en va, le temps d’en va, madame. Las, le temps, non, mais nous, nous en allons, et tôt, nous serons étendus sous la lame», en passant par Corneille et ses stances à Marquise, mises en musique par Georges Brassens « Marquise si mon visage a quelques traits un peu vieux, souvenez-vous qu’à mon âge, vous ne vaudrez guère mieux. Le temps aux plus belles choses, se pait à faire un affront. Et saura faner vos roses comme il a ridé mon front» (vous remarquerez que tous ces avertissements sont adressés à des femmes. Après tout, ce sont elles qui ont volé l’éternité aux hommes quand Êve a croqué la pomme !) Mais les hommes aussi vieillissent, et c’est également leur drame si l’on en croit le roman de Romain Gary menacé de panne sèche par les ans : je parle de son livre: « Au-delà de cette limite, votre ticket n’est plus valable» .
Comment échapper à la vieillesse et à sa déchéance ? On a tout essayé: le sport, les crèmes, les baumes, les liftings, le Botox, les implants capillaires, et bientôt peut-être, les recettes miracle du Trans humanisme qui nous promettent la jeunesse éternelle.
Mais s’il est vrai que l’homme vit plus vieux que ses ancêtres et en meilleure santé, il n’en continue pas moins de marcher vers sa fin, et seule, la littérature peut imaginer une autre issue. Plus heureuse? C’est ce que nous allons voir avec un auteur Irlandais, Oscar Wilde.
Wilde a toujours été fasciné par la jeunesse. « La jeunesse est un art», écrit-il dans « Un mari idéal», et aussi « Pour retrouver ma jeunesse, je ferai tout au monde, sauf prendre de l’exercice, me lever tôt, ou être respectable». Il n’est donc pas étonnant qu’il se soit emparé du sujet de la jeunesse éternelle pour le traiter dans son seul et unique roman « Le Portrait de Dorian Gray».
Pour la petite histoire, je vais vous raconter en deux mots, comment cette œuvre est née. En août 1889, Joseph M. Stoddart, directeur de la revue new-yorkaise Lippincott’s magazine, recherche des auteurs pour en lancer la version anglaise.
Il a invité Arthur Conan Doyle et Oscar Wilde à dîner au Langham Hotel de Londres pour leur proposer de collaborer à son journal en écrivant chacun une œuvre. Pour Conan Doyle, ce sera « Le signe des Quatre », pour Oscar Wilde, la première version de Dorian Gray, qui paraîtra d’abord en feuilleton, puis, avec une préface et six nouveaux chapitres, en volume.
Que raconte donc Le Portrait de Dorian Gray ?
C’est l’histoire d’un jeune aristocrate, riche et remarquablement beau dont un peintre (secrètement amoureux de lui), Basil Hallward, a fait le portrait. Devant la perfection de ce portrait, le jeune homme se désole : lui va vieillir et s’enlaidir, tandis que le portrait restera splendide.
« Comme c’est triste ! dit-il, Je vais devenir vieux, horrible, effrayant. Mais ce tableau restera éternellement jeune. Il n’aura jamais un jour de plus qu’en cette journée de juin... Si seulement ce pouvait être le contraire ! Si c’était moi qui restais toujours jeune, et que le portrait, lui, vieillit ! Pour obtenir cela, pour l’obtenir, je donnerai tout ce que j’ai ! Oui, il n’y a rien au monde que je refuserais de donner ! Je donnerais mon âme pour l’obtenir. »
Voici donc le pacte scellé. Le même pacte à peu près que dans « Faust ». L’âme est dans la balance. Elle est le prix qu’il faudra payer.
Il y a là, dans l’atelier, un aristocrate plus âgé, Lord Harry Wotton, dandy esthète et cynique, qui va jouer dans le roman le rôle du tentateur et de l’initiateur. « La jeunesse est l’unique chose qui mérite qu’on la possède », déclare-t-il à Dorian, le jour-même de leur rencontre. Et il ajoute : « Il est si bref, le temps que durera votre jeunesse en vérité [...] la pulsation de joie qui bat en nous quand nous avons vingt ans, s’engourdit. Nos membres nous font défaut, nos sens se décomposent. Nous dégénérons et devenons des pantins hideux, hantés par le souvenir des passions qui nous ont trop effrayés, et des tentations exquises auxquelles nous n’avons pas eu le courage de céder. Jeunesse ! Jeunesse ! Il n’y a absolument rien en ce monde, que la jeunesse ! »
Dès lors, le ver est dans le fruit. Lord Henry sera le mauvais ange de Dorian car, non seulement il exalte la jeunesse, mais il y adjoint le goût du plaisir qui ne s’embarrasse pas de morale, et de la jouissance sans entraves.
C’est alors que le roman prend une dimension fantastique quand Dorian s’aperçoit que son vœu a été exaucé et que le portrait, qu’il a installé chez lui à la place d’honneur, commence à vieillir à sa place. Le tournant majeur se situe au moment où Dorian tombe amoureux d’une jeune actrice, Sibyl Vane, en la voyant jouer Juliette dans un petit théâtre misérable de L’East End où il a atterri par hasard. Elle incarne pour lui toutes les grandes héroïnes du monde, un univers de rêve et d’imagination qui l’enchante. Mais un soir où il entraîne ses amis au théâtre pour leur montrer celle qu’il appelle sa fiancée, Sibyl, troublée par la présence de celui qu’elle aime, joue mal, brisant ainsi le rêve de Dorian, et en dépit de ses supplications, il l’abandonne sans aucune pitié. Le lendemain matin, il apprend que Sibyl, désespérée, s’est suicidée.
Et il faut bien se rendre à l’évidence : le beau portrait du salon a changé.
Il y a maintenant, sur sa bouche, une touche de cruauté. Que faire ? Il faut dissimuler le portrait, le cacher au grenier, le voiler et ne plus le montrer à personne, puisqu’il l’accuse et dévoile son infamie.
Je ne vais pas vous raconter la suite en détails, vous la connaissez sans doute. Les années passent, et Dorian s’enfonce dans la débauche, la luxure, la corruption, la cruauté, la drogue et même l’assassinat, mais il reste ineffablement beau. La vieillesse ne l’a pas effleuré. Elle va le rattraper pourtant à la fin du roman quand Dorian, incapable de supporter plus longtemps la vue du répugnant portrait, image affreuse de la noirceur de son âme, décide de le détruire.
« Il tuerait cette monstrueuse âme vivante et ainsi, délivré de ses horribles reproches, il serait en paix. Il saisit le couteau et le planta dans la toile. Un cri se fit entendre, puis le bruit d’une chute. »
Alertés par le cri terrible, des gens viennent, entrent dans la maison avec les domestiques.
« Lorsqu’ils entrèrent, ils découvrirent, accroché au mur, un superbe portrait de leur maître tel qu’ils l’avaient vu pour la dernière fois, dans toute la splendeur de sa jeunesse et de sa beauté exquises. Étendu sur le plancher, gisait un homme mort, en habit de soirée, un couteau planté dans le cœur. Il était ridé, sa peau était desséchée et son visage repoussant. Ce n’est que lorsqu’ils eurent examiné ses bagues qu’ils le reconnurent. »
Ainsi donc, dans le roman de Wilde, c’est moins le passage inéluctable du temps qui défigure le portrait que les péchés de l’âme. Ce ne sont pas tant les ans qui ont marqué la toile (après-tout, le héros à la fin du roman doit avoir une quarantaine d’années), c’est l’abjection de Dorian qui a vendu son innocence contre la pérennité de la beauté et de la jeunesse.
Faust, Dorian Gray, et même, dans une certaine mesure, Raphaël de Valentin dans « La peau de chagrin », ont tous essayé d’exorciser la vieillesse en faisant un pacte diabolique, comme si on ne pouvait échapper à ce sort commun qu’en engageant son âme et en la mettant en péril, comme si la damnation et le châtiment des Dieux étaient promis à ceux qui refuseraient à tout prix de vieillir.
Wilde, quant à lui, n’a pas eu le temps de vieillir. Il est mort à Paris, d’une méningite, à l’âge de 46 ans. Paria ruiné, déshonoré, et délaissé par la plupart de ses amis.
Alors, on peut se demander : n’existe-t-il pas une possibilité de vieillir heureux, ou pour le moins pacifié ? Et si c’était trop exiger, peut-on espérer acquérir assez de sagesse pour accepter le déclin inéluctable et la fin de la vie ? Je n’ai pas de solution. Au travers de la foi, peut-être, ou par le biais de la philosophie ? Mais ça, c’est un terrain où je ne m’engagerai pas. Je le laisse à Jacques, qui va répondre à la grande question : « Pourquoi faut-il vieillir ? »
Danielle Guérin-Rose, Royan, le 21 Mars 2024
Vieillir? Vous avez dit vieillir?
Si l'on considère la vieillesse d'un point de vue purement technique, je serais tenté d'affirmer qu'il y a en fait peu de choses à en dire...
Je reprendrai pour cela ce que nous en dit André Comte Sponville dans son Dictionnaire Philosophique (p. 1055) :
« Le vieillissement est l'usure d'un vivant, laquelle diminue ses performances (sa puissance d'exister, de penser, d'agir...) et le rapproche de la mort. C'est donc un processus dont on remarquera qu'il est moins une évolution qu'une involution, moins un progrés qu'une dégradation, moins une avancée qu'un recul »
Sur un plan technique en tout cas tout est dit : vieillir c'est voir toutes ses facultés diminuer !
Mais pour nous c'est bien sûr largement insuffisant.
-1- Que dire ainsi du rapport mathématique du vieillissement au temps qui passe ? Ainsi sur une échelle de 1 à 100 ans, 1 an c'est 1% du temps qui passe, à 90 ans un an c'est 90% du temps....
-2- Que dire du rapport du vieillissement à l'expérience tirée du vécu? Rien ne nous autorise à affirmer que, plus on vieillit, mieux on comprend les choses...On a juste un peu de recul!
-3- Que dire du rapport du vieillissement à la sagesse ( certains diront même la prudence) qui s'immisce jour après jour dans nos comportements ?
-4- Que dire également du rapport du vieillissement au curseur du vieillissement lui même?Mozart, Schubert, Camus, et tant d'autres nous ont quittés jeunes en laissant derrière eux des œuvres immortelles, et tant d'autres qui ne laissent rien ou si peu. Hugo écrivait encore à 80 ans !
Ainsi il y aurait non pas un vieillissement, mais plusieurs types de vieillissements que l'on pourrait résumer ainsi: vieillir, bon, c'est inéluctable. Mais ça devrait servir à quoi ?
Une vérité s'impose d'elle-même et a généré d'ailleurs le thème d'aujourd'hui: dés que l'être humain vient au monde, il commence à vieillir. C'est comme ça, mais le processus de vieillissement porte des noms différents: croissance, adolescence, âge adulte, troisième âge, grand âge...A mes yeux la classification par tranche d'âge n'a que peu d'importance. Ce qui me paraît important, c'est ce que l'individu apprend et transmet à chaque étape de son propre vieillissement...Nous y reviendrons bien sûr car c'est en quelque sorte le fil rouge de ce café philo (tel que je le conçois bien sûr) ce qui nous amènera à confirmer que le processus du vieillissement est inégalitaire.
A chacun son vieillissement?
Nous allons être aidés pour cela dans notre réflexion par quelques grands noms aussi bien de la littérature que de la philosophie. Car, et ce n'est pas une nouveauté en soi, le thème du vieillissement interpelle depuis la nuit des temps et les Anciens ( ceux que j'appelle les Anciens, ce sont les philosophes grecs et romains: Platon, Aristote, Cicéron...) ne sont pas passés à côté. Les stoïciens dont Cicéron s'en sont préoccupés sur le thème de la vieillesse heureuse (Cf. son opuscule « De senectute». Et même les mythes, toutes origines confondues ont également glosé sur le thème de la jeunesse et de la vie éternelle (Ulysse et Calypso, Aurore et Tithon...)
La musique elle aussi s'y est mise : « La Damnation de Faust » de Gounod (d’après Goethe) par exemple est devenue un incontournable...
Mais à chaque fois il y a quelque chose en retour:
Calypso veut donner la jeunesse éternelle à Ulysse à condition qu'il lui donne son amour. Il ne veut pas...
Aurore donne la vie éternelle à Tithon, mais oublie de lui donner la jeunesse éternelle. Il se consume avec le temps...
Méphisto veut bien donner la vie éternelle au docteur Faust à condition qu'il lui donne son âme. Selon les versions, il meurt avant le délai prévu....
Cicéron et les bienfaits de la vieillesse : comment jouir d'une vieillesse belle, bonne et heureuse ?
« Tous les âges paraissent un fardeau à celui qui ne trouve aucune ressource en lui même pour jouir d'une vieillesse belle et bonne»
L'un des Anciens qui a, je crois, le mieux célébré les vertus du grand âge, c'est Cicéron dans son ouvrage « De la vieillesse. Caton l'ancien»
Il faut bien sûr se souvenir que c'est un stoïcien et qu'il prône globalement une philosophie du détachement. Il articule son argumentation autour de 4 affirmations qu'il considère comme mensongères :
-1- La vieillesse éloignerait des affaires
-2- La vieillesse affaiblirait le corps
-3- La vieillesse serait dépourvue de plaisir
-4- La vieillesse nous rapprocherait de la mort
Ce serait en quelque sorte le pendant stoïcien du Tetrapharmakon épicurien (...ou quadruple remède: Il n'y a rien à craindre des Dieux - Il n'y a rien à craindre de la mort- On peut supporter la douleur- On peut atteindre le bonheur...) sur la quête du bonheur, ou plus précisément de la vie bonne.
On verra quand même que, comme pour Épicure, ce que nous enseigne Cicéron n'est pas non plus exempt de critiques. Il y a cependant, je crois, de bonnes choses à prendre dans ses arguments...
Première proposition: « La vieillesse éloignerait des affaires » - (C'est une apologie de la sagesse et de la prudence qui viennent avec le temps...)
« De quelles affaires s'insurge-t-il? De celles dont on s'occupe dont on estjeune et fringant? N'y a-t-il aucune affaire dont puisse se charger par son esprit un vieillard fût-il impotent? La vieillesse nous dit-il ne permet pas de faire ce que font les jeunes mais elle fait tant et mieux: ce ne sont pas la force, la vélocité ou l'agilité physique qui font accomplir les exploits mais la prudence l'autorité et les avis éclairés.
D'où il apparaît que l'irréflexion est l'apanage de l'âge en fleur et la sagesse celui de la vieillesse»
Deuxième proposition: « La vieillesse affaiblirait le corps»- ( Apologie de l'adaptation à l'âge)
« Il faut, nous dit-il, se contenter de ce que l'on a, et dans toutes ses actions agir en fonction de notre vigueur. Passerons-nous sous silence ces forces propres à la vieillesse, qui nous permettent d'instruire les jeunes gens, de les former et de les rendre capables de mener à bien leurs missions, quelle que soit leur fonction?
Le cours de la vie est fixé d'avance....De cette façon, la fragilité des enfants, l'impétuosité des jeunes gens, la gravité des adultes et la maturité des vieillards sont des choses naturelles dont il faut profiter chacune en son temps. Il est de notre devoir de résister à la vieillesse et de compenser les vices de celle-ci par des soins scrupuleux, de combattre la vieillesse de la même façon que la maladie, de tenir compte de la santé, de faire des exercices avec modération, de ne boire et manger qu'en vue de se revigorer et non de s'épuiser...et il ne s'agit pas seulement de secourir le corps mais bien plus encore l'esprit et l'âme.
Ainsi sans qu'on le perçoive ni qu'on le sente, le fil de la vie se déroule et sans se rompre soudainement il s'effiloche avec le temps... »
Troisième proposition: « La vieillesse serait dépourvue de plaisir » – (Apologie de la convivialité)
« Quel beau cadeau nous fait la vieillesse si seulement elle nous soulage de ce que la jeunesse a de plus vicieux !...Point de tempérance là où le désir est maître, point de vertu durable là où le plaisir règne. Il faut bien comprendre que, si ce ne sont raison ni sagesse qui nous permettent de tenir le plaisir à distance c'est bien à la vieillesse qu'il faut en rendre grâce car elle nous dégoûte de ce qui n'est pas convenable. Le plaisir en effet trouble le jugement, assaille la raison, aveugle pour ainsi dire l'esprit et n'entretient nul commerce avec la vertu. Les anciens ont appelé à juste titre «convivialité » cette habitude de se réunir autour d'une table entre amis parce qu'il s'agit là d'une vie en commun.»
Quatrième proposition: « La vieillesse nous rapprocherait de la mort »
«...Pourquoi la vieillesse en serait-elle tenue pour responsable, alors que la mort est galement le lot du jeune âge?
….Les vieillards se trouvent dans une position plus favorable que les jeunes gens puisque ce que ces derniers espèrent, ceux là l'ont déjà atteint : les uns veulent vivre longtemps, le autres ont vécu longtemps. Le fruit de la vieillesse réside dans le souvenir et l'abondance des biens obtenus au cours de la vie. »
Montaigne: La vieillesse, quel naufrage...
Il nous faut cependant quitter le discours stoïcien pour celui de Montaigne, lequel tient un propos exactement opposé …
« Il me semble nous dit Montaigne qu'en la vieillesse nos âmes sont sujettes à des maladies et imperfections plus importantes qu'en la jeunesse...Elle nous attache plus de rides en l'esprit qu'au visage et ne se voit point d'âmes ou fort rares qui en vieillissant ne sentent à l'aigre et au moisi. L'homme marche entier vers son croît et son décroît.»
Bonne réflexion !
Jacques Eskénazi, Royan, le 21 Mars 2024