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☕ 21 novembre 2017 : 79ème séance des rendez-vous littéraires de Royan

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          Les journaux d'écrivains : définition et intérêt du genre, André Gide, Jules Renard, Julien Green, par Jean-Marie Goreau, conférencier,

 

Sorrente, 5 août 1937

Je n'ai jamais su dire encore, ni tout ce que je dois à l'Italie, ni combien j'étais et reste amoureux d'elle.

Les bâtiments, les murs des routes, sont couverts d'inscriptions en caractères gigantesques ; appels au Duce et citations de phrases de lui, slogans parfaits, admirablement choisis et propres à galvaniser la jeunesse, à l'enrôler. Entre tous, ces trois mots : Croire. Obéir. Combattre, reviennent le plus fréquemment comme conscients de résumer l'esprit même de la doctrine du fascisme. Ce qui permet quelque clarté dans les idées et m'indique du même coup les « positions » de l'antifascisme. Et rien n'amène une plus grave confusion que l'adoption de ce slogan par le communisme même, qui se prétend antifasciste encore, mais ne l'est plus que politiquement et, lui aussi, demande aux inscrits du parti de croire, d'obéir, et de combattre, sans examen, sans critique, avec aveugle soumission. Les trois quarts des inscriptions italiennes pourraient tout aussi bien convenir aux murs de Moscou.

L'on me dit qu'on ne peut triompher d'un adversaire que sur le même terrain, que par ses armes mêmes, qu'il sied d'opposer l'épée à l'épée (ce dont je ne suis du reste nullement convaincu). Il sied d'abord d'opposer l'esprit à l'esprit, et c'est ce qui ne se fait plus guère. Les historiens de demain examineront comment et pourquoi, la fin s'effaçant devant les moyens, l'esprit communiste a cessé de s'opposer à l'esprit fasciste, et même de se différencier de lui.

9 août. Le besoin qu’a Pascal de désespérer de l’homme et de saper ses joies, à seule fin de précipiter sa conversion, cette systématique dépréciation du jeu, de l’art, (« quelle vanité que la peinture… »), de tout ce qui distrait l’homme de la nécessité de la mort ─ me parait beaucoup plus vain que le plaisir même ; et combien me parait sage la boutade de Hebbel : « Que peut faire de mieux le rat pris au piège ? ─ C’est de manger le lard. »

Journal d'André GIDE, folio (anthologie 1889-1949), p.366

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