La Crimée, c'est ce médaillon que portrait en sautoir la terre ukrainienne, il est cette première larme perdue, dans une mer décidément bien noire !
Alors que le sang coule sur le sol ukrainien, inlassablement, langoureusement, le Danube, le Dniepr, et le Dniestr se préparent à arroser ces immenses champs de blé, aux cheveux d'or, parcourus de ces sanglantes mèches veineuses, dessinées sans état d'âme, par les mains assassines de l'homme du Kremlin !
Triste est le regard du soleil, perdu dans ce ciel bleu, attendant que brille à nouveau le jaune et scintillant sourire des vastes champs de blé..
Elles sont vivantes désormais dans nos cœurs ces deux couleurs qu’arbore avec tant de douceur le drapeau Ukrainien !
Tant de drapeaux que l'on adule ou que l'on piétine !
Il y a cent ans, sur les bords de la mer Égée, 1 500 000 Grecs, hommes, femmes et enfants, fuyaient les troupes ottomanes qui avaient décidé de « nettoyer » leur territoire de toute présence chrétienne.
Purification.
« Vous n’êtes pas chez vous !» hurlaient les porteurs d’armes à ceux qui n’avaient que leurs mains et leurs yeux pour pleurer.
Massacres, viols, déportations furent pendant des semaines le lot de ce peuple martyrisé sous le regard « neutre » des alliés occidentaux dont les navires militaires mouillaient au large de la côte dentelée de l’Asie mineure. Il ne fallait pas trop affaiblir ce qui allait devenir la Turquie moderne, afin d’éviter une extension dangereuse de l’Union soviétique, quitte à sacrifier les populations grecques qui vivaient là depuis des siècles.
Les «Alliés » se contentèrent alors de récupérer en catastrophe les malheureux qui fuyaient sur des embarcations de fortune.
Première opération humanitaire du XXème siècle. Arrangements avec la mauvaise conscience.
Mon père avait alors 7 ans lorsqu’il vécut ce désastre et l’assassinat de son propre père.
Il n’est plus là aujourd’hui pour assister près de moi, impuissant, au spectacle d’horreur qui se déroule quotidiennement sur nos écrans et qui semble si réel qu’on ne parvient pas à y croire même quand on se frotte les yeux. Me donnerait-il la main pour ne pas me perdre, comme l’avait fait sa grand-mère ? Pleurerait-il comme il avait pleuré quand les Serbes massacraient les Bosniaques de Srebrenica ou les Albanais de Sarajevo, quand les Hutus exterminaient les Tutsis à la machette, quand les Russes détruisaient Grozny et Alep, quand les Américains laissaient l’Irak à son chaos, les femmes afghanes aux mains des Talibans ? Des noms me reviennent : Saint-Barthélemy, Oradour sur Glanes, Mý Laï, Sabra et Chatila.
Aujourd’hui Kiev, Marioupol, Odessa… Alors j’ai pris le témoin qu’il m’a tendu : un petit sac de larmes dont je ne parviens pas à défaire le lacet de cuir qui le maintient fermé.
La monstruosité assèche toute effusion et laisse place à la colère, à l’indignation, à la honte d’être humain. La peur aussi de devenir un monstre comme les humains.
Le plus beau coin de paradis, disait mon père, un jour au bord de la mer Égée, peut en quelques minutes devenir un enfer. Les flots peuvent virer du bleu au rouge, les cadavres joncher les champs de blé, les vautours remplacer les hirondelles.
Et puis un jour, il a décidé de mourir, pour ne pas voir la suite. Inutile que je reste, m’a-t-il dit, je la connais. Il pleuvra de nouveau des bombes sur les villes, des femmes et des enfants fuiront, des hommes tueront, mourront. « Allez, à la prochaine ! » diront les survivants. Et puis de nouveau un oubli silencieux et cynique s’abattra sur le monde.
à l'occasion du 10ème anniversaires des rendez-vous littéraires de Royan :
Oh ! Si bel estuaire
Journée d'été ensoleillée.. Je fais une halte solitaire à la pointe de Vallières qui m'offre le panorama d'une mer calme, et mon regard se perd dans les vagues blanches d'écume,
qui s'écrasent au pied des falaises sombres.
Contemplation...
Dans l'anse de la Conche, des rumeurs feutrées viennent de la ville aux nombreuses petites villas colorées, dominées par cette grande église grise, hiératique et placide
qui se découpe dans l'horizon limpide.
Admiration...
Soudain, la corne puissante de « La Gironde », énorme et imposant bac ferry, retentit dans le port. Annonce du départ imminent. Les passagers se pressent à bord,
impatients, prêts pour une escapade vagabonde.
Agitation...
Ah... ! Là-bas, les voiles blanches des dériveurs glissant silencieusement sur l'eau, sortent sans hâte du chenal, croisant de rapides scooters de mer plus bruyants,
plus polluants, mais ...des jeunes générations, divertissement idéal.
Alors, acceptation...
A cet instant, sous ce ciel bleu, sans nuages, les eaux scintillent , oui... le temps suspend son cours...une mouette passe, criaille...