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↬ Peut-on s’exclure volontairement de la société ? > café-philo des RdV littéraires de Royan du 10 octobre 2019 ✎ Jacques Eskénazi

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Bibliographie
- Luc Ferry : « Epicuriens et stoïciens , la quête d’une vie réussie »
- Luc Ferry : «  La pensée 68 et l’ère du soupçon »
- Luc Ferry : «  Nietzsche, la mort de Dieu »
- Epictète  :  « Ce qui dépend de nous »
- Patrick Süskind :  « Le parfum »
- Frédéric Lenoir
- Arthur Schopenhauer
- Jean Paul Sartre


NB : Pour ce premier rendez vous de la rentrée philosophique, j'ai jugé utile de joindre quelques éléments de méthodologie qui pourront inspirer les uns ou les autres sur la manière d'organiser leurs idées. Il va de soi que ce n'est qu'une suggestion... 
 
-1- Méthodologie : pourquoi philosopher ?

Philosopher c’est d’abord s’étonner. Nous ferons comme l’ont fait la majorité des philosophes depuis Platon jusqu’à Heidegger, c’est à dire que nous procéderons en trois étapes.

La première étape de cette tripartition, c’est la théorie. Au sens grec du terme, la théorie c’est «la connaissance du terrain de jeu , au sens où ce monde qui nous entoure, cet ordre cosmique dans lequel nous sommes plongés, constitue pour ainsi dire le terrain de jeu sur lequel va se dérouler l’existence humaine». (Luc Ferry)
La deuxième étape n’est plus théorique mais pratique: c’est l’éthique ou la morale. «Il ne s’agit plus de connaître le terrain de jeu, mais de comprendre les règles du jeu de l’existence humaine. Ce n’est pas un petit jeu parmi d’autres, c’est LE jeu de l’existence humaine.». (Luc Ferry)
La troisième partie enfin peut être appelée «sotériologie», c’est à dire étymologiquement la doctrine du salut, ou doctrine de la sagesse et de la vie bonne. «Voilà les interrogations qui nourrissent la réflexion sur le but du jeu, sur le sens de la vie ou plus précisément au sens dans la vie: que cherchons nous? Quel est le but de cette quête de la sagesse , de cette philosophia ? C’est la vie bonne…mais comment se définit-elle ?» ( Luc Ferry)
C'est la recherche de la vérité, la maïeutique socratique.
«In Fine», si j’ai conduit convenablement ma réflexion philosophique, alors je me serai réconcilié avec le cosmos, en fait mon environnement proche.

Une fois posées les règles de la réflexion, j’en arrive au thème choisi pour le débat de ce soir : 

« Peut-on s’exclure volontairement de la société ? »

Autant le dire tout de suite: oui il est possible de s’exclure volontairement de la société ! En effet , par définition, l’exclusion volontaire est un acte personnel et délibéré (déterminisme et liberté individuelle) : je choisis délibérément de ne plus appartenir à un groupe, une collectivité, une société constituée…Il nous faut donc exclure de notre champ de réflexion ce qui nous arrive de façon non intentionnelle, ce que nous subissons.

        -1- Je perds mon emploi, je perds ma fortune, je divorce , je perds ma famille ma femme, mes enfants, ma maison, bref je perds tout ce qui me retenait à la société, je finis à la rue, je suis exclu, mais cela ne dépend pas de moi «Parmi les choses qui existent, certaines dépendent de de nous, d’autres non. De nous dépendent la pensée, l’impulsion, le désir, l’aversion, bref tout ce en quoi c’est nous qui agissons; ne dépendent pas de nous le corps, l’argent, la réputation, les charges publiques, tout ce en quoi ce n’est pas nous qui agissons» (Epictète)

-2- Il nous faut également exclure de notre réflexion tout ce qui touche au bannissement antique à Rome ou en Grèce, l’excommunication papale ou la relégation de l’individu par le groupe. Tout cela relève du domaine du subi et non du déterminisme individuel.

Il nous faut donc introduire deux notions fondamentales qui sont celles de la liberté de l’être humain de faire ou de ne pas faire (déterminisme et liberté d’agir), ainsi que celle de la relation de l’individu à la société.

Deux champs possibles de réflexion

- Exclusion et société
- Exclusion et liberté individuelle
-1- Exclusion et société 

S’exclure volontairement de la société ne paraît pas de prime abord une démarche sociologique naturelle: l’homme a besoin de vivre en société, son instinct grégaire l’y pousse. La société a besoin de lui.
L’exclusion volontaire correspond donc à une multitude de raisons qui peuvent toutes peut-être se résumer à un seul thème majeur: je rejette le milieu dans lequel je vis.

      - Je décide de devenir SDF car je ne supporte plus les contraintes que m’impose la société, je suis un inadapté social
      - Je décide de devenir sage , ermite, anachorète ( Exemple de la sagesse avec Mathieu Ricard) car j’ai besoin de «rentrer» en moi, loin des tentations sociales
      - Je décide de devenir hippie, de me retirer du monde en m’agrégeant à une communauté religieuse ou autres (Dominicains, Franciscains, bénédictins, sectes plus ou moins recommandables…), car ces communautés me rassurent. Ce dernier exemple me parait limite car quitter la société pour vivre en collectivité, c’est se marginaliser et non s’exclure.
On pourra évoquer à cet égard une allégorie, celle de la société fermée sous forme de cercle : les plus intégrés vivent dans ce qui pourrait s’apparenter au centre du cercle, c’est à dire le noyau dur de la société. Plus on s éloigne du centre et plus on se marginalise. Mais on ne quitte pas le cercle…
     - Je suis un génie incompris, je m’exclue «de facto» car la société ne veut pas ou ne peut pas me comprendre ( Nietzsche, Picasso, Einstein, …).
On peut évidemment évoquer avec ce dernier exemple la notion de triangle de société, allégorie bien sûr consistant à évoquer la base du triangle qui correspond à l’ensemble des individus (les suiveurs) et la pointe qui représente le génie à suivre et qui n’est pas encore compris. La compréhension sera lente de sorte que c’est presque toujours après sa mort que le génie sera reconnu. Entre-temps il est donc solitaire, relégué dans les marges et forcément méconnu.
     - On peut enfin évoquer le cas de Jean Baptiste Grenouille («Le Parfum» , Patrick Süskind) qui, lui, se retire plusieurs années pour chercher la fragrance la plus parfaite…C’est le cas extrême où l’exclusion volontaire peut s’assimiler à la folie ( paranoïa, monomanie obsessionnelle)

-2- Exclusion et liberté individuelle

Qu’est ce que la liberté ? 
Pour les Grecs ( Sartre, et bien d’autres bien sûr…) l’homme est né libre et c’est cette liberté qui détermine son action. L’homme n’étant pas programmé au sens animal (voire informatique) du terme, c’est à lui et à lui seul qu’il incombe de choisir sa vie…C’est la doctrine de la vie bonne et du déterminisme éventuel de nos actions (Schopenhauer admet que l’homme est déterminé par son propre déterminisme, Marx suggère que l’homme écrit son histoire sans savoir l’histoire qu’il écrit)

Ma démarche d’exclusion marque donc ma liberté de penser et d’agir par % à la société. Les cyniques stoïciens ont été les précurseurs en ce domaine: ils montraient qu’ils ne tenaient pas compte des bien pensants. Exemple d’exercice de sagesse stoïcienne: traîner en laisse un poisson mort au marché derrière soi pour épouvanter le bourgeois.


Reste alors à admettre en conclusion que la seule marque positive d’exclusion volontaire de la société c’est -peut-être- le suicide…
Je laisse la parole à Schopenhauer «Le monde comme volonté et comme représentation» : « Bien loin d’être une négation de la volonté, le suicide est une marque d’affirmation intense de la volonté. Car la négation de la volonté consiste non pas en ce qu’on a horreur des  maux de la vie , mais en ce qu’on en déteste les jouissances. Celui qui se donne la mort voudrait vivre, il n’est mécontent que des conditions dans lesquelles la vie lui est échue» 

Jacques Eskénazi

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