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↬ La sagesse : sagesses d'hier ou d'aujourd'hui ? > café-philo des RdV littéraires de Royan du 8 mars 2019 ✎ Jacques Eskénazi

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Définition de la sagesse selon le Larousse : « Qualité de quelqu'un qui fait preuve d'un jugement droit, sûr, averti dans ses décisions, ses actions. Agir avec sagesse. Comportement d'un enfant tranquille, obéissant; docilité. Caractère de ce qui demeure traditionnel, classique, éloigné des audaces ou des outrances. Idéal supérieur de vie proposé par une doctrine morale ou philosophique: comportement de quelqu'un qui s'y conforme. La sagesse antique, orientale.»
Autant dire que nous avons affaire ici à une proposition de définition qui brille par sa passivité, voire son opacité. S'y l'on en croit le Larousse, on n'est sage que lorsque l'on ne fait rien... ou presque. C'est une définition que l'on peut considérer comme nettement insuffisante : c'est donc à nous d'y apporter plus de vécu, de liant.

Une approche théorique : 

-1- Quelle sagesse ? (de quelle sagesse parlons nous)
Sous son apparente simplicité le thème que nous abordons est en effet un thème à entrées multiples.
On peut même dire que c'est la problématique philosophique type. En effet : éthymologiquement, est philosophe, ou pratique la philosophie, celui qui recherche la sagesse (du grec : phylo-sophia, ami de la sagesse). Les théories sur la sagesse se confondent avec les théories philosophiques : sagesse est synonyme de philosophie.
Pour Luc Ferry : «Le sage pourrait se définir comme celui qui a non seulement trouvé le sens de la vie, mais c'est celui qui vit réellement la vie bonne, le sacré» 
Pour André Comte Sponville «le sage est celui qui parvient à regretter un peu moins, à espérer un peu moins, à aimer un peu plus»
Il semble évident que nous avons tous une approche spécifique, voire individuelle, de la sagesse. Sagesse orientale, sagesse des proverbes, sagesse populaire, sagesse philosophique, sagesse biblique, sagesse de l'expérience, voire développement personnel... La sagesse est un concept polymorphe : chacun peut y puiser ce qui lui plaît !
Pis : quand nous étions enfants, nous avons tous connu le terrible chantage «Si tu es sage, tu pourras faire ceci.». « Si tu n'es pas sage tu ne pourras pas faire cela.» 
Du comportement du «sage», celui qui sait, à la sagesse, instrument de chantage, le spectre de l'usage de la sagesse dans la vie quotidienne est large et particulièrement flou...
C'est justement ce caractère finalement protéiforme de la sagesse qui en fait sa difficulté à nos yeux: où se trouve la vérité ? ( Cf. la maïeutique platonicienne : nous allons essayer ici «d'accoucher» de la vérité de la sagesse).

-2- Comment être sage dans un monde fou ? (C'est tout le thème exposé par Michel Onfray quand il évoque la cité romaine)
Nous voyons autour de nous des gens que nous qualifions de «sages» et des gens «pas sages». Donald Trump nous effraie souvent par des prises de position excessives. Nous disons : cet homme n'est pas bien sage. Matthieu Ricard, le Dalaï Lama, Gandhi... prêchent une forme de comportement dont nous ne sommes pas loin de penser qu'ils incarnent ce que devrait être l'homme sage. 
Si l'on va plus loin dans le raisonnement on peut même distinguer celui qui est naturellement sage, qui aurait en quelque sorte reçu la sagesse comme d'autres auraient reçu la Foi, et ceux pour qui le chemin menant à la sagesse est difficile et semé d'embûches.
C'est là en fait que nous nous heurtons à une forme de contradiction : si je suis «sage» dans tous les actes de ma vie, je n'ai pas à rechercher la sagesse. Mais si je suis amené à rechercher ce que peut être la vérité de la sagesse, alors cela signifie que je ne suis pas sage. 
Rechercher la sagesse c'est ne pas la détenir, c'est rechercher ce dont je manque. Comment y parvenir et pourquoi ?

C'est tout l'objet de ce débat


Une approche morale (ou approche éthique ) : Pourquoi chercher la sagesse, comment la trouver ?

Il n'y a pas à proprement parler «d'historique» ou de courant de pensée de la sagesse au sens Darwinien, voire marxiste. On peut pour la commodité du débat discerner trois évolutions majeures 

-1- Les sagesses anciennes (du mythe à la logique)

Aristote et sa physique, Epictète et son manuel, Socrate et les sophistes, Platon, la maïeutique et la cité idéale, Esope et ses fables, Marc Aurèle, Pline, Cicéron ...Grecs ou romains, il est impossible de les citer tous, et surtout d'analyser ici leur pensée, tant leur nombre et leur œuvre sont importants
Nous pouvons cependant rendre grâce aux philosophes grecs de s'être les premiers penchés sur la définition et la recherche de la sagesse, pas uniquement d'un point de vue purement intellectuel ou idéalisé mais comme une véritable école de vie. Si philosopher c'est apprendre à mourir , apprendre à mourir c'est apprendre à vivre (le «Carpe Diem» romain repris par l' «Amor Fati» nietzschéen), c'est à dire chercher le sens de la vie, chercher la vie bonne, lutter contre la peur de la mort, les angoisses, les tourments personnels, ce que Spinoza appellera plus tard les «passions tristes».
Les philosophies antiques sont des philosophies matérialistes elles sont à la recherche de ce qu'on pourrait appeler une spiritualité laïque sans Dieu passant par la raison non par la foi.«Connais toi toi même» inscrit au fronton des temples et rajoutant «rien de trop» ce qui induit : «ne sois pas arrogant» «L'hybris)
Platon a montré que la sagesse est un mode de vie apportant la tranquillité de l'âme (ataraxie), la liberté intérieure (autarkeia, autarcie) et que la philosophie est un exercice de la volonté permettant d'y parvenir. 
Dans l'épicurisme et le stoïcisme s'ajoutent à ces dispositions fondamentales la conscience de faire partie du cosmos, (une notion différente d'ailleurs pour les deux écoles le cosmos pour les stoïciens est particulièrement organisé il est totalement désordonné pour les épicuriens (l'atomisme).Pour eux, la vie bonne passe par l'harmonie avec le cosmos, l'environnement du moment en quelque sorte
C'est une philosophie du détachement pour les uns (Epictète), une philosophie du plaisir pour les autres (la classification épicurienne des plaisirs) mais également une philosophie mise en pratique par des exercices : les «cyniques» vivaient comme des chiens pour choquer le bourgeois. .
 
«Telle est la leçon de la philosophie antique, écrit Pierre Hadot : une invitation pour chaque homme à se transformer lui même. La philosophie est conversion, transformation de la manière d'être et de la manière de vivre, quête de la sagesse. Cela n'est pas chose facile». Et de citer Spinoza dans «L'Ethique» : «Si le chemin qui mène à cet état de sagesse semble ardu on peut cependant le trouver. Mais si on le découvre si difficilement c'est précisément que c'est un chemin ardu»


-2- Les sagesses religieuses 

C'est le moment où -en Occident en tout cas- la pensée sur la sagesse passe du matérialisme à la transcendance religieuse, où la croyance en un Dieu unique et éternel, la promesse d'un au-delà radieux, garanti par l'observation des commandements de la Loi (Cf. les 10 commandements et les tables de la Loi) doivent suffire à nous faire oublier notre propre finitude. «C'est l'idée selon laquelle les conditions de la vie bonne se trouvent non plus dans l'accord avec l'ordre cosmique mais dans l'harmonie avec les commandements divins. Les trois grands monothéismes ( le christianisme, le judaïsme et l'Islam) nous proposent un salut non plus sans Dieu mais avec lui. Ce salut réside dans une espèce d'apothéose, de transformation de l'homme en Dieu ou à tout le moins des mortels en immortels car c'est bien toujours en quelque façon l'immortalité qui est au bout des promesses religieuses» Luc Ferry
L'aboutissement suprême dans la pensée chrétienne, c'est la béatitude et la mise en œuvre de toute une réflexion sur la philosophie de l'amour, laquelle ne peut bien sûr convenir qu'à ceux qui ont la révélation de la Foi.
«Exit» alors la recherche purement laïque de la vie bonne par la sagesse : «Au moyen âge,écrit Pierre Hadot,si l'on met à part l'usage monastique du mot philosophia, la philosophie devient une activité purement théorique et abstraite, elle n'est plus une manière de vivre»
Il ne m'appartient pas ici de disserter sur le bien fondé ou non de ces principes. Je souhaite simplement évoquer ici le risque de communautarisme, voire de sectarisme induit, voire récupéré, par les dérives de la radicalisation religieuse. C'est malheureusement ce que nous constatons aujourd'hui.
La sagesse orientale : le bouddhisme. C'est bien sûr une pensée qui mériterait un développement à elle seule. L'essentiel de la pensée bouddhiste a d'ailleurs été repris par Schopenhauer et reste très proche des pensées stoïcienne et épicurienne.

-3- Les sagesses modernes : déconstruction et développement personnel (le retour sur soi)

-1- La «déconstruction» Nietzschéenne
L époque actuelle me paraît refléter singulièrement la difficulté qu'il peut y avoir à trouver, voire définir la sagesse. L'homme moderne se retrouve en effet confronté à un monde apparemment vidé de sens, après avoir connu de multiples courants de penser, voire de «machines à broyer» intellectuelles, lui permettant en quelque sorte de penser à sa place
On peut se référer utilement aux deux immenses penseurs, précurseurs de la pensée contemporaine, que sont Nietzsche et Schopenhauer. Il faut je crois leur rendre cet immense mérite d'avoir fait table rase courageusement de ce qui faisait le ferment de la pensée à leur époque. Ils ont «déconstruit» ce qui faisait leur environnement intellectuel et religieux en exhortant leurs contemporains à hisser leur niveau de connaissance au plus haut niveau.
J'espère que vous me pardonnerez d'être volontairement réducteur en évoquant leurs œuvres : il appartient je pense aux uns et aux autres d'aller plus loin, et ce n'est pas le thème que nous avons choisi.
Ainsi quand Nietzsche s'exclame : «Dieu est mort», il ne faut pas bien sûr le comprendre uniquement au sens littéral du terme. Il s'agit pour lui de pointer du doigt la vacuité de ce qui a jusque là prévalu dans les consciences : c'est ce qu'on a appelé le nihilisme nietzschéen. Dans «Ecce Homo»  paru en 1888, il n'hésitera pas à écrire : «Pourquoi je suis si sage» ! Lui dont la santé est vacillante déclare : «de ma volonté d'être en bonne santé, de ma volonté de vivre j'ai fait ma philosophie» 
Quant à Schopenhauer il affirme : « le besoin d'une métaphysique s'impose irrésistiblement à tout homme, et, sur les points essentiels, les religions tiennent justement lieu de métaphysique à la grande masse qui est incapable de penser» «Le monde comme volonté et représentation». Dans ses «Aphorismes sur la sagesse dans la vie» il n'hésitera pas à prendre ses  lecteurs à témoin : «je prends ici la notion de sagesse dans la vie dans son acceptation immanente c'est à dire que j'entends par là l'art de rendre la vie aussi agréable et heureuse que possible»

        -2- Le développement personnel ou retour sur soi
C'est je crois une réactualisation pure et simple du «Connais toi toi même» grec que nous avons évoqué tout à l'heure. Simplement il a été remis  au goût du jour avec les moyens actuels (yoga, méditation transcendantale, Qi Qong...). L'une des dérives qui me préoccupe serait l'enfermement sur soi même. Clairement:  être sage tout seul, est ce vraiment être sage?. 
Aussi je laisserai la parole à Frédéric Lenoir l'un des représentants de cette recherche personnelle  «Ce n'est pas un savoir théorique que je cherche à transmettre mais une connaissance pratique la plus essentielle qui soit : comment mener une vie bonne heureuse en harmonie avec soi même et les autres. Exister est un fait, vivre est un art. Tout le chemin de la vie c'est passer de l'ignorance à la connaissance, de la peur à l'amour»«Petit traité de vie intérieure»

Une recherche de la vérité 

Il ne s'agit là bien sûr que d'une ébauche de conclusion. Il appartient au groupe de débattre de son propre ressenti.
Au terme de ces différentes approches  je conclurai pour ma part que la sagesse ne peut être mise en équation. Il n'y a pas de règle d'or. Mais pour qui n'a pas reçu la sagesse en héritage (nous sommes nombreux dans ce cas) c'est un long apprentissage. Il n'y a pas une règle de sagesse unique applicable à toutes les situations mais plutôt une règle de  sagesse spécifique correspondant à chaque situation, ce que je nommerais le juste milieu ou la juste mesure, voire un compromis individuel entre le possible et le souhaitable.   

Et pour finir: quelques citations :

«Le but de la philosophie: soigner les âmes,apaiser les tourments inutiles,délivrer des passions, chasser les appréhensions»
CICERON, «Devant la souffrance»

«Philosopher, ce n'est pas vivre sans plaisir, c'est apprendre à vivre avec plaisir partout et à tirer satisfaction de toutes les situations»
PLUTARQUE, «Le vice et la vertu»

«Le sage ne peut en vouloir à ceux qui font le mal. Pourquoi? Parce qu'il sait que personne ne naît sage, mais qu'on le devient»
SENEQUE, «L'homme apaisé»

«Attitude et caractère du philosophe: en bien comme en mal,il attend tout de soi même»
EPICTETE, «Ce qui dépend de nous»

«La sagesse est ouverte à tous. Nous sommes tous assez nobles pour y arriver»
SÉNÈQUE, «Apprendre à vivre»

«Quant à Esope, il me semble qu'on devrait le mettre au nombre des sages dont la Grèce s'est tant vantée, lui qui enseignait la véritable sagesse et qui l'enseignait avec bien plus d'art que ceux qui en donnent des définitions et des règles»
LA  FONTAINE

Jacques ESKENAZI
ROYAN, le 8 Mars 2019

Bibliographie :
«Question de philo» Trimestriel-N°12
«Les mots de la philo»-  Luc Ferry- 
«Aristote, le bonheur par la sagesse»- «Epicuriens et stoïciens, la quête d'une vie réussie»-Luc Ferry- Sagesses d'hier et d'aujourd'hui-
Michel ONFRAY: «Sagesse-Savoir vivre au pied d'un volcan-Albin Michel
Epictète- «Ce qui dépend de nous»-Arléa
Esope- « Les Fables»
«La sagesse des anciens»-Anthologie-Arléa
Michel de Montaigne: «Le meilleur des essais»-Arléa
Pierre Hadot: «Exercices spirituels et philosophie antique»-Albin Michel
André Comte Sponville: «Qu'est ce qu'une spiritualité sans Dieu ?»- 
Schopenhauer, Nietzsche, Frédéric Lenoir


Quelques principes de fonctionnement d'un café philo


-1- Un café philo n'est pas un cours de philo : c'est un lieu d'échanges et de convivialité fondé sur l'initiative individuelle. Toutes les opinions sont acceptées si elles sont respectables

-2- Il n'y a pas de temps de parole à proprement parler. Un modérateur avec clochette (en l'occurrence il s'agira d'une sonnerie genre hôtel) peut s'il le juge utile interrompre des interlocuteurs trop «loquaces»

-3- Il faut essayer dans la mesure du possible de déterminer rapidement le thème et la date du café philo suivant

-4- En fin de séance, il est de tradition de faire un tour de table des participants pour que ceux qui ne se sont pas exprimés puissent le faire

-5- Enfin, dans la mesure du possible, un compte rendu de séance est envoyé assez rapidement aux participants. 

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