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✎ Histoires de poupées, de petites filles, et de brocantes prodigieuses par Annie Birkemeier

Rédigé par webmestreRL Aucun commentaire
Classé dans : littérature Mots clés : aucun

Ces historiettes sans prétention sont dédiées aux personnes qui ont bien voulu me confier pertes, trahisons et/ou retrouvailles incongrues...

Même la vie la plus plate, la plus minuscule connaît des moments extraordinaires. Je vais vous confier un secret : c’est le réel qui est magique !

  

Histoires de poupées, de petites filles, et de brocantes prodigieuses

 

 La petite poupée au costume marin

C’était l’été, mais de quelle année ? Elle devait avoir trois ans et demi ou quatre ans et demi tout au plus. Grand-mère, maman et la tante étaient invitées à prendre le thé chez la grand-tante dont la vie passée en Extrême Orient faisait fantasmer depuis toujours ces campagnardes qui avaient rarement outrepassé les limites du département. Ces dames acquiesceraient respectueusement à tout. Buveuses de café, elles devaient parler encore longtemps avec perplexité de ce thé si chic, si distingué. Pensez donc, un breuvage qui a un goût de foin macéré dans de l’eau tiède ! Leurs hommes, buveurs d’eau-de-vie maison, diraient pareil, en secouant la tête avec consternation, pour le whisky.

Il lui faudrait ne bouger ni pied ni patte. Ne pas interrompre les grandes personnes. Au moindre écart maman ferait les gros yeux. Aussi s’ennuyait-elle comme un rat mort et évitait de se faire remarquer. Dès qu’elle tendait sa menotte vers le présentoir où étaient joliment superposées des couches de biscuits appelés élégamment boudoirs, elle jetait un regard rapide sur maman qui – c’était couru – faisait les gros yeux.

Enfin, la libération. Elle descendit avec soulagement les escaliers qui reliaient le magasin de la tante à l’appartement. Un magasin de prêt-à-porter pour enfants. Malgré sa hâte à retrouver la rue et le soleil, elle se figea en arrêt devant une petite poupée, habillée d’un costume marin, qui trônait dans une vitrine. Elle restait accroupie, fascinée, au point que la grand-tante, magnanime, lui en fit cadeau. La nuit venue, la poupée l’accompagna dans le petit lit bateau qui avait servi et servirait à tous les enfants de la famille.

Son premier soin au réveil fut de récupérer la petite poupée pour la serrer dans ses bras. Mais – stupeur ! – la poupée avait disparu. Elle chercha dans le lit, sous le lit, parmi les vêtements épars sur la chaise. Elle avait bel et bien égaré sa poupée, ce cadeau d’autant plus merveilleux qu’il lui était tombé du ciel. Le cœur battant, terrifiée à l’idée de devoir avouer son méfait si on lui demandait des comptes, elle se fit toute petite et passa la matinée à chercher fiévreusement, en se coulant dans tous les coins, façon sioux, et en rasant les murs. Elle s’était même introduite subrepticement dans la remise du grand-père où le soleil à travers les tuiles faisait danser la poussière jusqu’au plafond. Elle savait pourtant pertinemment qu’elle n’y avait jamais, mais alors jamais, mis les pieds. Curieusement, la disparition de ladite poupée passa inaperçue. Mystère... Puis le temps fit son travail. Elle n’oublia pas totalement cependant et demeura convaincue qu’elle méritait amplement les reproches qui pleuvaient sur elle. Elle s’était habituée à être celle qu’on ne définissait que par des négations. Elle n’était qu’une « sans goût », une « sans soin ». La preuve tenue secrète : la petite poupée...

Puis, plus de six décennies plus tard, un jour qu’elle pensait à tout et à rien, la vérité éclata tout soudain et la percuta de son évidence et sa simplicité. Fallait-il qu’elle soit stupide pour ne pas avoir découvert plus tôt le pot aux roses. Bon sang, mais c’est bien sûr... On lui avait subtilisé la petite poupée pendant son sommeil pour la rendre à la vieille tante, la vieille chouette condescendante devant laquelle on faisait des ronds de jambes avec déférence. Que comptait la joie d’une petite fille insignifiante à côté de la fierté qui consistait à rendre un cadeau, parce qu’on n’était pas des mendiants tout de même ! Mais elle subodora bien pire. Elle se souvenait fort bien que la vieille garce avait chuchoté quelque chose pour apaiser les scrupules des trois dames. Probablement une saloperie du genre : « Ne vous en faites pas. Vous me la rendrez demain ».

 

Les poupées de collection

Elle soutenait sans ciller les moqueries de ses aînées. Ces petites poupées de collection étaient son jardin secret le plus visible – l’autre, lui, était bien caché... Ridicule, cucul, kitsch, risible, rien n’était trop blessant pour railler son goût immodéré pour les poupées folkloriques que les membres de la famille et certains amis lui rapportaient de leurs voyages et autres excursions. Bien sûr, cela n’arrivait pas souvent, mais elle-même se faisait des cadeaux avec les quelques pièces qu’elle récoltait lors des grandes occasions. Ses préférées étaient la pétulante Espagnole avec sa robe à volants qui se déployaient en traîne sophistiquée, l’Alsacienne et sa chère Normande. Elles veillaient sur ses devoirs du soir et sur son sommeil.

Au retour de vacances qui s’étaient curieusement prolongées, elle se retrouva devant une maison familiale mystérieusement vidée de ses meubles et de ses occupants. Elle demeurerait désormais chez sa mère. Plus de jardin pour rêver, gamberger ou grimper aux arbres. À la place, elle aurait une mini chambre avec fenêtre sur cour, sans balcon évidemment. Elles prendraient leur temps, sa mère et elle, pour vider les cartons et ranger. Mais dans quel carton avait-on rangé les poupées de collection, son trésor ? Au fur et à mesure que les cartons se vidaient, il lui fallut se rendre à l’évidence : elles n’apparaissaient nulle part ! Elles n’étaient ni chez sa mère ni chez son père. Personne ne se souvenait de les avoir vues. Elle n’osa protester. Déjà la trousse de toilette qu’on lui avait promise lui était passée sous le nez parce que... Pourquoi, d’ailleurs ? Ils trouvaient toujours de bons prétextes pour ne pas tenir leurs promesses ! Et maintenant, les poupées ! Mais elle était une grande fille désormais. Elle regardait fièrement le soutien-gorge que sa mère venait de lui offrir et qu’elle suspendait à l’espagnolette de la fenêtre. Finalement, tout n’était pas négatif. Elle devait seulement s’adapter au changement, c’était ça vivre pour de vrai, grandir.

Et puis, quelques décennies plus tard, alors qu’elle flânait de stand en stand, dans cette brocante annuelle qu’elle ne manquait jamais de visiter, elles lui sautèrent aux yeux. Elles étaient là, en rang d’oignons, qui lui faisaient secrètement signe. Il n’en manquait pas une. Comment étaient-elles arrivées là ? Dans sa ville ? Quelle petite fille avait pris sa place auprès de ce trésor d’enfance et le trahissait maintenant de la pire forme, en le vendant au tout venant. Elle se surprit à sourire intérieurement et passa son chemin. Non, elle ne voulait rien savoir, pas même le prix de la trahison ! Ça devait sûrement être cela, avoir grandi...

 

L’éventail de dentelle noire

Ce déménagement devait être le dernier avant le grand voyage final. Elle avait toujours pris soin d’éviter d’accumuler les objets, se débarrassait systématiquement des choses devenues obsolètes, les vêtements, les jouets d’enfants... Elle ne conservait qu’un minimum. Comment ce minimum avait-il pu devenir cette montagne à gravir ? Elle s’y prendrait méthodiquement. Elle disposait de trois mois pour vider impitoyablement cette maison qui avait été si longtemps leur maison de famille où avaient grandi les enfants. Un placard par jour. La belle vaisselle et les beaux verres, d’abord. Elle n’en aurait pas besoin. Ensuite, les vêtements et les jouets pour la Croix Rouge. Puis les livres à trier, ceux qu’elle lèguerait par pleines caisses aux enfants, aux amis, à la fac, ou qu’elle « foutrait carrément à la poubelle », comme elle disait. Viendraient ensuite les papiers personnels et les photos dont beaucoup rejoindraient en morceaux la poubelle bleue – celle pour papiers et cartons propres. Et les lettres, mon dieu ! Oui, les lettres... Elle devrait se défaire de tant de souvenirs devenus probablement inutiles. Mais sait-on jamais, on hésite, on hésite lâchement, plus tard peut-être... Les bibelots, décida-t-elle, seraient triés sans pitié – ce qui devait occasionner par la suite bien des regrets et des reproches souvent justifiés. Les rejetés rejoindraient les cartons pour le voisin, celui qui « faisait les brocantes » : la vaisselle dépareillée mais en bon état, les souvenirs des pays parcourus, les vieux disques et cartes postales, les cadeaux inutiles ou moches (tant pis pour les donneurs !), les calendriers d’art si amoureusement feuilletés (quelle pitié de s’en défaire !), et puis – pourquoi pas – cette collection d’éventails, dont l’un, immense, pouvait recouvrir tout un pan de mur. Il lui avait été offert par des amies de retour de Chine. (Comment s’y étaient-elles prises pour transporter ça ?) Elle était vraiment impitoyable ! C’est ainsi qu’elle se débarrassa aussi d’un petit chien en peluche, tout pelé, qui avait appartenu à un soldat mort à la dernière guerre et qu’une vieille dame qu’elle connaissait à peine lui avait offert après la naissance d’un enfant, et qui s’avéra par la suite être un jouet de collection dont la valeur insoupçonnée défiait clairement l’entendement. Elle avait toujours eu le sens des affaires... – Punie pour manque de piété, avait statué une amie scandalisée.

La nouvelle maison, dans ce coin choisi pour y passer l’hiver de sa vie, est en pleine transformation. Ses vêtements occupent encore la baignoire, faute de placard opérationnel. Qu’importe ? Il fait beau et elle veut découvrir cette ville mal connue. En route donc pour le centre et le marché central. Et là, surprise, une brocante ! Ce n’est pas sa tasse de thé, mais elle a le temps de flâner. Elle passe devant quelques stands, et soudain, elle le voit : son éventail de dentelle noire s’étale, là, devant ses yeux. Pas de doute ! – Si ce n’est toi, c’est donc ton frère !, murmure-t-elle, parodiant La Fontaine. Elle vérifie le prix : 35 € quand même. Elle sourit à cette fidélité des choses. Par quels chemins détournés, par quels méandres, cet éventail dont elle s’était bêtement défaite – il n’aurait occupé que peu de place, finalement ! – l’avait rejointe, à des centaines de kilomètres, dans ses nouvelles pénates ? Une petite voix venue du passé lui susurra : « Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui s’attache à notre âme et nous force d’aimer ? » Et elle se sentit accueillie chez elle.

 

La théière peinte à la main

Elle avait des passions aussi prenantes que changeantes. En ces années-là, elle s’était prise de passion immodérée pour la peinture sur porcelaine ou sur verre. Elle peignait des verres et, surtout, des bouteilles pour confectionner des lampes qu’elle offrait à celles-z-et-ceux qui prétendaient – les téméraires – que oui, c’était vraiment très joli... Un jour, faute de mieux, elle s’en prit à une théière en verre transparent, un truc moderne de design nordique, qu’elle n’utilisait jamais. Elle dessina les contours des motifs à l’or, puis les peignit en camaïeu de bleu et de vert. Ça ferait joli dans une vitrine. Une voisine lui ayant rendu service, elle se demanda comment elle pourrait la dédommager de façon originale. Elle avait déjà offert toutes ses productions, mais il restait la théière. Elle était bien jolie mais elle ne servait pas. Alors, autant qu’elle ne serve pas ailleurs, se dit-elle. Et elle offrit la théière.

Deux ou trois années plus tard, incitée par une connaissance à visiter la brocante de la paroisse, elle s’y rendit à reculons, uniquement pour faire preuve de bonne volonté. « Mesdames, 50% sur tous les textiles », claironnait une voix d’homme. En fait de dames, il n’y avait que les braves bénévoles qui gardaient les stands et elle-même. Elle se promena dans les travées, déprimée par toute cette laideur étalée, ces reliefs de vies minuscules, marquées par les privations. Aucun objet pour rattraper l’autre, pensa-t-elle et elle se sentit encore plus déprimée. Qui pourrait vouloir de ces lampes hideuses, de ces assiettes fêlées, de ces verres à moutarde dépareillés et ces « textiles » brodés par les grands-mères d’autrefois ?

Au détour d’une allée, elle la vit qui trônait, mais sans son couvercle ni le joli filtre transparent : SA théière ! Pour 15 € ! Elle ne put s’empêcher de sourire malgré un premier mouvement de consternation dû à la surprise et joua avec l’idée de l’acheter et de l’offrir de nouveau à la même personne – ne serait-ce que pour voir la tête qu’elle ferait. Puis elle se ravisa et alla chez le pâtissier faire une razzia de douceurs à la crème et au chocolat. On se régalerait au quatre-heures des enfants...

 

La croix en émaux de Ligugé

La tante avait pris la chose sous son égide. Si son frère avait décidé d’être un mécréant fini – n’avait-il pas évoqué l’éventualité de se faire maçon, et pas de ceux qui construisent des maisons, je vous prie de croire... –, c’était son affaire, mais il ne serait pas dit qu’elle le laisserait négliger l’éducation religieuse de la petite. Mais, comment prendre les choses en mains sans risquer un conflit familial, peut-être même une rupture. Elle parlerait d’abord à la petite pour la sonder. Le plan s’avéra plus que fructueux. La gamine, d’un tempérament romanesque, s’enflamma pour la chose religieuse, pour cet enfant-Dieu à la fois si fragile et tout-puissant. Pensez donc, quelque chose de si prodigieux que cela dépassait de loin les contes de fées qui la fascinaient au-delà de toute expression. Papa, quant à lui, parlait d’aberration de l’esprit – ce père à la pensée rigoureusement scientifique ou scientifiquement rigoureuse (au choix) et au positivisme dogmatique. Bon, ce n’étaient pas ses mots à elle, mais plus tard ils le deviendraient. C’est donc elle qui déclara benoîtement qu’elle aimerait bien faire comme toutes ses copines et aller au catchoum. Les parents, qui avaient puisé dans les livres adéquats l’idée qu’on ne peut pas s’opposer frontalement aux désirs d’un enfant, choisirent de temporiser. On allait y réfléchir, voilà tout. – Mais c’est tout réfléchi, s’écria la petite avec une telle conviction douloureuse dans la voix qu’ils n’osèrent plus faire aucune remarque, même si l’ombre sournoise de la tante fit plus que les effleurer.

Comme les parents l’avaient craint, la petite s’exalta. Pire, l’exaltation perdura jusqu’à la Communion Solennelle en aube blanche et sandalettes immaculées. L’encens, les grandes orgues, Monsieur l’Archiprêtre qui s’était déplacé exprès, le repas de famille et les cadeaux la grisèrent jusqu’aux larmes. Jamais plus, pensa-t-elle, elle ne serait la reine d’une telle fête. Pas de bondieuseries en cadeau avaient stipulé les parents qui avaient offert la montre traditionnelle. Aussi la tante avait-elle choisi ce qu’il y avait de mieux en matière de bijou religieux : une croix en émaux des moines de Ligugé. Le travail était d’une finesse remarquable et d’un éclat incomparable dans le choix des couleurs. Les parents n’y trouvèrent rien à redire.

Mais, comment l’exprimer ? La flamme quasiment mystique, qui avait tenu pendant les quatre années de catéchisme, vacilla, se ternit, puis s’éteignit sans bruit. La petite, devenue une grande adolescente, avait tout bonnement perdu la foi et ne la retrouva pas – si tant est qu’elle l’eût cherchée. La femme mûre avait même oublié jusqu’à l’existence de la croix. Mais la croix n’avait pas oublié la petite. Aussi, un demi-siècle plus tard, se rappela-t-elle à son bon souvenir depuis la vitrine couchée, pas très propre, d’une brocante traditionnelle que l’adulte qu’elle était devenue ne manquait jamais de parcourir. Ce fut un choc, car elle ne se rappelait pas l’avoir égarée ou offerte. Comment cette croix était-elle parvenue jusqu’ici, par quels chemins détournés ? Perdue, volée, récupérée par quelque membre de la famille qui l’aurait revendue en cachette ? Le mystère s’épaississait. Elle demanda à voir le bijou de plus près. Elle reconnut la minuscule éraflure due à un choc à l’angle d’une branche. Mais pas un instant l’idée ne l’effleura de récupérer son bien. Ce passé-là était bel et bien mort.

 

La visite à Emmaüs

Il faut vous dire que dans l’temps, quand j’étais une petite fille, c’était la pénurie. Une pénurie générale qui touchait les riches comme les pauvres, mais les riches moins que les pauvres, si vous voyez ce que je veux dire... Mais nous, à la campagne, nous n’avons jamais eu faim. Nous avions le lait, les fromages de grand-mère, les légumes du jardin, les fruits du jardin, les œufs, le lapin ou le poulet du dimanche, nourris, comme le chien, le chat et les poules, de nos épluchures et de nos restes. Il faut vous dire, mes chères petites, qu’à l’époque nous ne connaissions pas les poubelles et faisions zéro déchet... Grand-père gobait un œuf cru tous les matins avant d’aller, torse nu, se laver à la citerne derrière l’écurie... Quoi, beurk ?! C’était, d’ailleurs, la seule chose qu’il avait en commun avec les boches, comme il disait. Eux aussi se lavaient à grande eau dans les cours de fermes, réunis autour du puits, ou dans la cour de l’école communale. Ils s’aspergeaient à grand bruit, à la grande perplexité des villageois qui ne se lavaient qu’avant d’aller à la messe, et encore... Évidemment, vous, avec vos douches quotidiennes – que dis-je ! – bi-quotidiennes... Vous verrez quand c’est vous qui paierez l’eau ! De plus, c’est très mauvais pour la peau... Bref, nos problèmes de pénurie à nous étaient d’ordre différent. Nous détricotions les vieux pulls pour récupérer la laine, en faisions des écheveaux et la re-tricotions. Quand nos robes de laine étaient devenues trop courtes, hop ! quelques rangées de couleurs différentes au point mousse, et l’affaire était réglée. Même nos maillots de bain étaient tricotés. J’vous dis pas la dégaine quand nous sortions de l’eau. Oui, vous pouvez rire... Avec les restes, grand-mère nous avait appris à faire des carrés au crochet. Pas très jouissif, comme vous dites, mais que faire d’autre ? Nous avions passé l’âge de bricoler un troupeau de vaches et leur chien de garde avec les pommes de terre à cochons et des allumettes ou de creuser des tunnels dans le fumier comme Delphine et Marinette... Ça ne vous dit rien ?! Mais, qu’est-ce qu’on vous a appris à l’école ? Et ça fréquente l’Université, ça, Madame !... Ce qu’elles peuvent être sottes à glousser comme ça... Parfaitement, oui ! J’ai connu la cabane au fond du jardin avec un cœur découpé dans la porte. Et l’orange de Noël aussi...

Puis, aux vacances suivantes, grand-mère nous fit cadeau à chacune d’un dessus de lit, genre patchwork, qu’elle avait confectionnés avec nos carrés. Ma pauvre sœur et moi les avons offerts à nos belles-filles, enfin... vos mamans ! Pour les honorer d’un de nos plus beaux souvenirs. Et puis, un jour, des amis m’ont emmenée avec eux visiter la brocante d’Emmaüs. Et je les vus là, en vrac, entassés avec d’autres. Je les ai rachetés. Oh, ils n’étaient pas bien chers ! Ce sera pour vous quand je ne serai plus de ce monde... Surtout, cachez votre joie !

Allons, mes chéries, pas de panique, mamie plaisantait bien sûr...

 

Annie Birkemeier, 2022

 

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