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☕ 11 décembre 2016 : 65ème séance des rendez-vous littéraires de Royan

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          La Compagnie EQUIPAGES présente "Le circuit ordinaire" de Jean-Claude Carrière avec Alexandre Metratone et Joseph Verfaillie,

 

 

          Le circuit ordinaire de Jean-Claude Carrière (Les Rendez-vous littéraires de Royan, dimanche 11/12/2016) avec Alexandre Metratone et Joseph Verfaillie de la Compagnie Equipages

« Un commissaire du gouvernement, chargé de la sécurité intérieure, fait subir – nous prévient-on – un interrogatoire à un dénonciateur… Duel sans concession, suspense constant jusqu’à l’extraordinaire retournement d’un processus prisonnier de ses propres mécanismes ».
L’interrogatoire débute de la façon la plus conventionnelle qui soit. Le commissaire – rond de cuir besogneux qui se veut inquisitorial – reste assis dans son fauteuil de bureau sans daigner jeter le moindre regard sur la personne passe-partout qui vient d’entrer. On verrait même bien ce grisâtre monsieur Lambda – qu’on n’invite pas à s’asseoir – triturer un béret entre ses mains nerveuses… Le commissaire farfouille dans ses dossiers, histoire de faire monter la tension. Sous la pression de sous-entendus nébuleux, son interlocuteur est sommé de prouver qu’il est un honnête citoyen, c.-à-d. un bon dénonciateur toujours prêt à défendre les prérogatives du gouvernement = du parti unique au gouvernement. Il y met l’humilité voulue, mais sans tomber dans la flagornerie qu’on attendrait de lui.

Curieusement, ce délateur s’est dénoncé lui-même un nombre de fois tellement vertigineux qu’on se doute assez rapidement qu’il n’a jamais rien fait d’autre que se dénoncer lui-même, nonobstant le fait d’avoir dénoncé subsidiairement le commissaire précédent, devenu suspicieux à l’égard d’un informateur bien trop zélé pour être honnête. En effet, ce dénonciateur ne dénonce que ce qui serait, dans un milieu « normal », des vétilles, comme comparer les diverses qualités de produits du cru – simples appareils photo, par ex – avec ceux de l’étranger, ou même une preuve de raffinement culturel, comme jeter un coup d’œil – on ne parle même pas d’admirer – sur des fresques anciennes dans une église. On perçoit clairement que ce que le dénonciateur dénonce en creux, ce sont les aberrations d’un système qu’il réprouve (?) ou dont, au minimum, il moque les codes qu’il a décryptés. Il joue même à en donner une preuve fugitive que ce benêt de nouveau commissaire ne va pas relever. Celui-ci est bien trop neuf et trop naïf pour être aussi pénétré de l’absurdité du système que son interlocuteur et ainsi le percer à jour. Ce délateur professionnel, donc, se serait dénoncé pour être resté chez lui au lieu de participer au défilé obligatoire, dans le but bien naturel de soigner sa petite fille malade… Un manquement selon le système ! En fait, confesse-t-il avec gourmandise, il n’avait tout simplement pas envie d’y aller, à l’inverse de sa femme et de son fils partis, eux, faire leur devoir. Crime de lèse-parti ! Et que de fractures en filigrane !

« Et si je vous dénonçais à mon tour », menace le commissaire. « Vous n’y pensez pas », assène monsieur Lambda, « vous devez bien vous douter que j’ai pris mes précautions… » Bluff ou pas, le commissaire se met à douter et les rôles s’inversent. Monsieur Lambda se lève de sa chaise sans y être invité : il démontre ainsi sa supériorité toute nouvelle sur l’homme assis. Rester debout devant un supérieur assis n’est plus le signe de soumission du sujet nié dans son individualité, voire lobotomisé, corollaire de son mépris envers plus fragiles que lui, mais un comportement d’homme libre et sûr de son pouvoir.

Dans un régime où la délation, le complot, l’intimidation et le chantage sont les maîtres du jeu, l’alternative est vite trouvée : tu es otage ou oppresseur.

Quels acteurs ! Et quel texte ! On en sort assommé. Et moi, qu’aurais-je fait dans un tel contexte, prisonnière d’un tel système ?

A.B.

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